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Pauline Fargue

© Portrait de Pauline Fargue : Benoît Rassouw.

Biographie

Pauline Fargue est performeuse, vidéaste, sculptrice. Elle bascule dans l’image en 1999 après sa rencontre avec le célèbre Chris Marker (photographe, réalisateur, écrivain, poète et autres) qui a notamment réalisé La Jetée en 1962, qui l’encourage à continuer une pratique photographique. Après un DEA de philosophie de l’Art, elle change de voie et part alors à l’ENSP d’Arles pendant 3 ans. Pauline Fargue est d’une sensibilité exceptionnelle qui laisse place à un travail poétique et très immersif à travers ses photographies.
 

Elle expose son travail en France mais aussi à l’étranger et à remporté le prix “Découverte des Rencontres d’Arles” en 2015. Son travail a été présenté, entre autres, au Salon d’Art Contemporain de Montrouge (2004), à la Fondation Vincent van Gogh à Arles (2010), à la Galerie du jour - Agnès B, à Paris photo (2012) et au BAL à Paris, à l’inter gallery à Pékin (2013), au Foto Museo Quatro Caminos à Mexico (2014), au Centro Cultural Ignacio Ramirez à San Miguel de Allende, au Jimey X Arles Est West Encounters International Photo à XIAMEN en Chine (2015), au Silencio à Paris (2016), à la Galerie Lhoste à Arles (2019) et aux Rencontres Internationales de la Photographie à Arles (2021).

En quelques mots

Tout en jouant des limites de la photographie, Pauline Fargue ne sort jamais tout à fait de son cadre. Disséquer et recomposer les prises de vue s’apparente plutôt à un exercice méditatif, analytique, révélateur : le long compagnonnage avec chaque photographie, parfois plusieurs années durant, permet de la passer au tamis du temps, d’identifier en elle ce qui n’est pas transparent au regard – et ainsi d’en extraire ce quelque chose ineffable, qui l’a imprimée dans l’œil et la mémoire.

Nicolas Heimendinger, extrait du texte de l’exposition, octobre 2023.

Pauline Fargue 

Nul Jour

« Et je me demande parfois si ce rhizome aux feuilles infinies n’offre pas de minuscules surfaces de résistance, des pages aux rencontres de papiers, d’infimes refuges à l’abri des réseaux sociaux et de leurs virtualisations infernales des relations humaines »

Artiste multimédia, Pauline Fargue vient de l’univers de la philosophie. Suite à l'analyse récurrente d’images dans ses études, elle décide, elle aussi, de matérialiser ses idées par l’art. Le visuel est la ligne directrice de son travail, ses œuvres se construisent à travers le médium de la photographie et de la vidéo. Chaque création puise d'abord sa source d'une image, pour ensuite se prononcer en idée. Pour elle « la photo ne suffit pas ». En effet, le découpage, le collage, le détournement, le son, le mouvement, ainsi que la déconstruction font partie intégrante de sa création. Cette nécessité est due à sa volonté d'acquérir une signification plus puissante et accessible. Pauline Fargue implique la notion de durée et celle du corps du spectateur pour aller au-delà des concepts matériels. Cet ensemble donne une tridimensionnalité volontairement recherchée à ses expositions.

Les Carnets...

Nul Jour s’inscrit exactement dans ce registre. Retranscrit dans de nombreux carnets depuis 2002, ce travail se déploie sur plus de 9000 pages. L'œuvre hors exposition se construit toujours dans le même format de carnet (14,5 x10,5 cm fermé), et est perpétuellement enrichie. Nul Jour est le titre associé à tous les projets et photos qui ne donnent pas lieu au visible (physique). Intra-carnets, nous trouvons de nombreux leitmotivs, que ce soit des images, des textes, principalement raturés. Cette pratique qui construit un tout est devenue une habitude évidente pour Pauline Fargue. Une fois l'œuvre exposée, sous forme d'installation (aux Rencontres Internationales de la Photographie d’Arles de 2015), des changements d'échelle sont proposés, plus ou moins exagérés, jouant avec l’attention du spectateur. L’artiste joue par ailleurs avec l’idée de cacher, montrer, suggérer. Elle met en avant certains éléments alors que d’autres restent sous-entendus, avec nuance et subtilité. Aucun parcours de visite n’est prédéfini : le parcours s’articule en fonction de la subjectivité de chacun. À première vue, des images de grande taille attirent l'œil, puis la curiosité et l'attention du regardeur sont sollicitées par des détails plus infimes, un rapport à l’infiniment grand et à l’infiniment petit qui crée un vertige poétique et esthétique tout à fait singulier.

Une adresse à l'autre

Contrairement à ce que l’archétype du carnet laisse penser, Nul jour n'est pas un projet sur l'intime. C'est originellement une production collective, via des échanges épistolaires, faite d'images nomades, de productions personnelles, de photographies de proches, de références à l'histoire de l'art, qui n’aurait pas déplu, pour sûr, à Aby Warburg, si l’on pense à son travail autour de Mnémosyne. Cette coexistence sert à appliquer une notion universelle et à utiliser les images plus comme matériel que comme message. Ce tressage de plusieurs vécus permet à la subjectivité d'être décuplée. Nul jour n’est pas considéré comme œuvre selon Pauline Fargue. Ce travail ne le devient qu’après organisation et mise en forme lors des expositions qui offrent effectivement à voir, outre des photos affichées sur les murs, les carnets eux-mêmes figés dans des cadres. La complicité entre l’invisible et le visible prend tout son sens. À nous, les spectateurs, ne nous est donné à voir qu’une double page pour chaque carnet. « Chaque double page est riche de tout ce qui est inaccessible » précise Pauline Fargue. Non seulement il est littéralement impossible de tout montrer, mais encore l’artiste fait précisément le choix de ne présenter qu'un fragment et pas un autre. Masquer engage une attention particulière. Cette attention est habillée d’une curiosité (qui attise la frustration de ne pas avoir accès aux reste du carnet) dépassée par l’envie de saisir ce que l’artiste nous permet et nous donne à voir. Cette dimension est d’autant plus chargée par le choix de l’artiste : celui d’exposer un carnet fermé. Ce choix crée une nouvelle fonction pour ce carnet. Pour l’artiste, le carnet ainsi présenté donne la sensation qu’il est une relique. Il nous montre que le contenant est aussi important que le contenu. « La forme c'est le fond qui remonte à la surface », nous dirait ce cher Victor Hugo ! Ce médium récurrent est la source et l’habitacle de Nul Jour, et il est également ce que Pauline Fargue appelle « [son] atelier miniature portatif ». La page vide intrigue également. Sa présence se fait rare, mais prend sens au milieu de ces pages tumultueuses. Ces pages blanches, conjointement au carnet fermé, Pauline Fargue aime à les nommer « retenues et pudeurs ».

Pauline Fargue appelle « [son] atelier miniature portatif ». La page vide
intrigue également. Sa présence se fait rare, mais prend sens au milieu de
ces pages tumultueuses. Ces pages blanches, conjointement au carnet
fermé, Pauline Fargue aime à les nommer « retenues et pudeurs ».
« Comment échapper à la tyrannie du visible ? » se questionne Pauline
Fargue. L'idée ici désigne le poids des sensations, le surplus sensible qu'
oblige le visible. Elle se sent « agressée par l'infinité des éléments visuels ».
Selon elle, il y a beaucoup trop a voir. L'artiste nous le décrit comme une «
nausée visuelle ». Le monde est fait de mille éléments qui méritent tous qu’on
leur prête attention, un regard, une imprégnation. L'humain peut tout voir mais
il est obligé d’opérer un choix. Le détail est une compagnie visuelle, et Nul
Jour intègre cette idée de choix, afin de mettre en avant par le biais de la
dissimulation ce qui pourrait être oublié. Pour répondre à son questionnement,
Pauline Fargue aime créer des « images mentales ». C'est par la récurrences
de ses images, et leur souvenir commun (notamment en partant de ses
correspondances), qu'elles peuvent devenir in-visibles (phénomène
d'appropriation). Les « doublons » (images répétées) font partie intégrante de
tous les carnets. Ils sont présents de façon consciente. Certaines images
seront réintégrées tant que l'artiste n'aura pas trouvé la manière la plus juste
de les faire exister. Sur autant d'années de création, Pauline Fargue
développe des réflexes et des traditions, en exemple une même photographie
débute et finit tous les carnets. Aussi, l'usage de ratures « graphiques » (en
forme de tourbillon, spirales, quadrillage etc...) parfois recouvrant l’intégralité
du texte jusqu’à le rendre illisible, est réitérée sans cesse. Ces écrits peuvent
être extrêmement personnels. La fonction véritable de ces ratures est par
conséquent de dissimuler l’intime dans le but de rendre l'œuvre plus universel.
En outre, les ratures n'ont pas un seul rôle, elles sont plus «leitmotiv
esthétique » que « délivrance de message ».
Tout ce qui relie les carnets, que ce soit la forme propre du médium, la
récurrence des ratures, ou les images répétées, ont pour finalité de constituer
une boucle. Nul Jour prend la forme d'une spirale

4 et encercle un
espace-temps. Ce sont tous des compléments. Les carnets matérialisent dans
le visible ce qui s'immisce dans les sous teintes du quotidien.

« Comment échapper à la tyrannie du visible ? » se questionne Pauline Fargue. L'idée ici désigne le poids des sensations, le surplus sensible qu'oblige le visible. Elle se sent « agressée par l'infinité des éléments visuels ». Selon elle, il y a beaucoup trop a voir. L'artiste nous le décrit comme une «nausée visuelle ». Le monde est fait de mille éléments qui méritent tous qu’on leur prête attention, un regard, une imprégnation. L'humain peut tout voir mais il est obligé d’opérer un choix. Le détail est une compagnie visuelle, et Nul Jour intègre cette idée de choix, afin de mettre en avant par le biais de la dissimulation ce qui pourrait être oublié. Pour répondre à son questionnement, Pauline Fargue aime créer des « images mentales ». C'est par la récurrences de ses images, et leur souvenir commun (notamment en partant de ses correspondances), qu'elles peuvent devenir in-visibles (phénomène d'appropriation). Les « doublons » (images répétées) font partie intégrante de tous les carnets. Ils sont présents de façon consciente. Certaines images seront réintégrées tant que l'artiste n'aura pas trouvé la manière la plus juste de les faire exister. Sur autant d'années de création, Pauline Fargue développe des réflexes et des traditions, en exemple une même photographie débute et finit tous les carnets. Aussi, l'usage de ratures « graphiques » (en formes de tourbillon, spirales, quadrillage, etc.) parfois recouvrant l’intégralité du texte jusqu’à le rendre illisible, est réitérée sans cesse. Ces écrits peuvent être extrêmement personnels. La fonction véritable de ces ratures est par conséquent de dissimuler l’intime dans le but de rendre l'œuvre plus universelle. En outre, les ratures n'ont pas un seul rôle, elles sont plus «leitmotiv esthétique » que « délivrance de message ».

Tout ce qui relie les carnets, que ce soit la forme propre du médium, la récurrence des ratures, ou les images répétées, ont pour finalité de constituer une boucle. Nul Jour prend la forme d'une spirale et encercle un espace-temps. Ce sont tous des compléments. Les carnets matérialisent dans le visible ce qui s'immisce dans les sous teintes du quotidien.

Pauline Fargue, 11-Nantura-1

Pauline Fargue, 12-Nantua-2

Nantua

« Regarder c’est s’interroger »

Pauline Fargue

Voici la direction que tient à prendre l’installation Nantua. Cette œuvre est également associée à la notion du visible et de l’invisible dans son registre de mimétisme. Nantua incite le spectateur à incarner une perspective différente. Des pilotis sont disposés de la même façon que la vidéo projetée. Une fois le spectateur installé de la même façon que les personnes de la vidéo, une action mimétique et fixe s’installe. Le concept de boucle est également à relever puisqu’un jeu de regard entre la vision du spectateur et celui des deux personnes projetées se construit. Cette œuvre ludique fait prendre conscience de l’action de voir (grâce à la concentration du corps sur son équilibre). La position force à fixer un point précis. De cette façon l’ultime sensation est d’éprouver dans son corps ce qu’est regarder.

Pauline Fargue, -6-Avant.dire-1

Pauline Fargue, 7-Aavant.dire-2

Avant-Dire

Avant-Dire, (exposée à Paris Photo en 2023), est une série d'infinis découpages partant de la même photographie. Originellement photo de vacances, Pauline Fargue ressentait ce qu’elle qualifie de « chose étrange » provenant de celle-ci. Elle chercha à l’accentuer, via ses découpages, « Parce qu’en art, ce qui est voilé est plus fort. » Kandinsky, du spirituel dans l’art. En effet, masquer permet ici de révéler plus que d'occulter. Pauline Fargue réorganise une même photographie, chaque production invente une nouvelle forme globale. Il s'agit là d'un « langage » s’exprime l'artiste. Il propose au spectateur un exercice, un effort de compréhension, de reconstruction, pour chaque adaptation traduite de la même scène photographiée. Une transformation s’opère, et une photo qui laissait initialement apparaître un monde en trois dimensions, devient un monde en deux dimensions. De cette façon, les gouffres amènent l’imagination, et le thème de l’invisible dans le visible apparaît.

 Artistes

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