KAtie montanier
nacimiento del Rio Tinto et réalisées en 2016
Biographie
Née à Pézenas en 1970, Katie Montanier vit et travaille à Agde .Elle à obtenu le D.N.S.E.P à l’École Supérieure des Beaux Arts de Montpellier Agglomération en 1996 et développe depuis une pratique artistique personnelle tout en suivant un parcours dans l’enseignement .La notion de lieu est au centre de son travail.
Elle fait du dessin dans ses différents registres, ainsi que de la vidéo, des outils de questionnement du regard, liés à son attention au monde, à ses déplacements.
Cette mobilité s’inscrit dans les territoires immédiats mais choisis, autant que dans les séjours artistiques à l’étranger. Ainsi, au travers de ses voyages se développe tout un processus de documentation, d'observation, de prélèvement qui se mêle à ses dessins et constitue une étape à part entière de chaque projets Traits, lignes, tracés, estompes révèlent une gamme colorée où le noir et blanc prédomine sur une production où la couleur est convoquée à titre occasionnel. Apparaissent des travaux autonomes, quand d’autres sont réalisés en série, et la notion se multiplie par la gravure.
Rendre visible les questionnements
Katie Montanier est une artiste plasticienne ayant obtenu le D.N.S.E.P de l’École des Beaux-Arts de Montpellier. L’artiste est à la fois praticienne, enseignante, pédagogue, alliant ainsi pratique et théorie. Sa démarche consiste à utiliser une multitude de techniques tel que le dessin dans différents registres, la vidéo (plus spécifiquement la vidéo-action), la gravure, la micro-édition, la collecte de matériaux primaires sur certains sites, dans certains environnements, divers pays, et à les transformer afin de donner naissance à ses œuvres.
Pour l’expostion In-visible, projet d’oeuvre collaborative, la série Le fusain, l’estompe nous a semblait idéale. En effet, le fait de dessiner de cette manière, à savoir, tracer, estomper, tracer de nouveau, estomper de nouveau, ainsi de suite jusqu’à enfin se décider à stopper l’acte de création, cela entre en corrélation avec l’idée de rendre visible ou invisible. Nous avons donc sélectionné deux collections issues de cette pratique. La première est constituée de huit œuvres faites au fusain et pigment pur (noir de mars) sur papier ; la deuxième propose quant à elle cinq œuvres réalisées au fusain et oxyde de fer. Les deux collections mettent majoritairement en lumière des lieux, des endroits éphémères, des chantiers, bâtiments, caravanes, mines… Elles sont faites de façon réalistes, traits, lignes, tracés, estompes, et révèlent une gamme colorée placée au sein d’un noir et d’un blanc prédominant — la couleur est convoquée à titre occasionnel.
Le fusain donne une impression de flou et rajoute des zones de noirs qui impactent et attirent l'œil. On remarquera que dans cette collection aucun ciel n’est blanc, tous sont gris, l'ambiance inspire la mélancolie. L'image semble immobile, le paysage inhabité, sans vie, et pourtant le flou du fusain sur les arbres rend paradoxalement ces derniers vivants.
Par ailleurs, dans les œuvres au fusain et à l'oxyde de fer, l'ambiance change car la couleur se rajoute, mais les paysages restent toujours déserts. La manière de peindre et le mariage de ces deux outils nous évoque de grands drapés recouvrant les mines et montagnes andalouses. Les choix de médiums très volatils coïncident avec la thématique de l'in-visible. De plus, Katie Montanier dessine des sujets en mutation, avec un caractère mouvant, insaisissable, qui relèvent de l'ordre de la mémoire. Elle se rend sur place, perçoit, et fait revenir l'expérience du lieu dans ses oeuvres. Par exemple, ses dunes garderont le caractère mouvant, insaisissable, qu’elle a perçu — rendu idéalement par le travail de l'estompe, de l’effacement.
Le repentir est aussi présent dans son travail, changer d'avis en cours de production, laisser une trace, c'est rendre visible les errances intentionnelles de l’acte de création, les réflexions du moment, en évolution. Il faut bien comprendre que ces dessins sont souvent la fabrication d'éléments mis côte à côte, qui n'ont pas été, dans la réalité, réellement là, ensemble, dans un temps synchrone. C'est une façon pour elle de ne pas faire dans l’anecdotique.
Comme dit précédemment, Katie prélève des matériaux primaires sur certains sites, elle révèle la capacité d'un territoire en faisant apparaître une nouvelle fonctionnalité à ces produits non conventionnels. On pourrait alors se demander si sa manière de travailler ne serait pas en lien avec toutes les formes de comportements symboliques que ramène la nuit des temps (art pariétal, collecte de curiosités naturelles délivrées par la nature…) ?
Voir le travail de Katie, Montanier en général, revient à plonger dans l'invisible car elle dévoile le monde in-visible à l’œil nu. On pourrait presque parler de pulsion scopique, d’un désir de voir, comme dans son œuvre Atalaya, laquelle incite à plonger son regard dans un trou pour voir ce qu'il y a à l’intérieur. On pourrait penser au mythe d'Orphée et Eurydice, dans lequel Orphée, perd l'amour de sa vie à cause d'un regard de trop.
Bien au-delà de la simple représentation de lieux précis à un moment donné, cette série d'œuvres revêt un caractère changeant, que ce soit dans sa longévité ou dans la technique. En effet, depuis plus de vingt ans, ce projet n’en finit pas de prendre forme, et Katie Montanier, par ces déplacements aux multiples résonances, trace le visage d’un monde au sein duquel la réalité devient autant un cadre d’inspiration, un lieu de collecte, et un processus ouvert, en acte. Cette méthode singulière et le choix des sujets, des médiums, s’entremêlent pour rendre visible l’essence même des lieux visités ainsi que l’expérience vécue sur place. D’une certaine manière, nous dirons que ces images cherchent à s’affranchir de la notion du temps, on perçoit le lieu, oui, mais plus que cela, on le ressent, car il n’est pas juste représenté, il est là, devant nous. Comme dans les travaux de Wolfgang Laib, les matériaux naturels imprègnent les œuvres leur donnant une nouvelle dimension, ainsi en va-t-il du travail de Katie Montanier.
Interview
Nous avons décidé de choisir le chapitre « le fusain, l'estompe. », D'après vous quel serait le lien entre votre travail, le fusain, l'estompe et notre thème In-visible ?
Ce n'est pas si facile de répondre à vos questions. En effet, il me semble de prime abord important de définir ensemble votre thématique et de comprendre pourquoi vous la faîtes se confronter avec mes dessins. Serait-ce montrer et révéler ce qui échappe à la vue? Dans ce cas, pourquoi ajoutez-vous ce tiret à in-visible, lui ajoutez-vous par ce jeu typographique une acception? J'aimerais bien vous retourner cette question A mon avis le fait de dessiner de cette manière, tracer puis estomper et encore reprendre, puis effacer et enfin se décider à arrêter c'est bien évidemment rendre visible ou invisible. Faire ce choix. Comme un état des lieux toujours fugace et qui échappe de toute façon. Une sorte de recommencement incessant et toujours différent. Une écriture du désastre (Conf. M. Blanchot).
Les choix de médiums : le fusain et la craie sont très volatils, et Ferrocaril, Minas de Rio Tinto, Cerro colorado, Y porque no et Atalaya sont fait avec de l'oxyde de fer prélevé sur place, d'une certaine manière il y a révélation de la capacité d'un territoire. De plus, les couleurs sont comme pour casser la schématisation, montrer que ces paysages sont éphémères.
Les couleurs ne cassent rien à mon avis. Elles révèlent des ambiances colorées observées et perçues sur le site et les territoires. De l'ordre de l'expérience du lieu. J'aime bien votre phrase sur "la capacité d'un territoire" associée aux prélèvements que j'opère sur les sites choisis.
Vous dessinez comme vous le dites des sujets en mutation, caractère mouvant, insaisissable, puis de l'ordre de la mémoire, les choses ne seront plus jamais comme vous les aviez vu. Vous rendez visible ce qui a été rendu invisible à jamais.
Je bute sur votre interprétation "ce qui était là", je ne pense pas qu'il s'agisse de mon sujet. Je ne pense pas non plus que les choses sont, ou furent ou ont été. Juste j'y suis allée et j'ai perçu. C'est de l'ordre de l'expérience du lieu. Il faut bien comprendre que ces dessins sont souvent la fabrication d'éléments mis côte à côte, et qui n'ont pas été là ensemble réellement. Par exemple, le poteau central sur le dessin "minas de Rio tinto" est déplacé pour entrer dans le champ, et recréer une nouvelle composition. Les dunes et chemins sont souvent issus de plusieurs points de vue sur le site, sur mes dessins récents.
Le « repentir », la mise en évidence indiquant qu'on a changé d'avis, quelque chose qui n'est encore une fois plus visible, mais qui a était là.
Vous me posez la question du repentir. Quand j'avais votre âge, étudiante aux Beaux-Arts de Nîmes, j'avais choisi ce sujet pour un exposé. Le carré rose apporté sur mon dessin de la pinède est un vrai repentir. C'est-à-dire qu'à un moment donné de la constitution de ce dessin, j'ai plus voulu le finir, comme l'évidence le suggérait. A ce moment-là, j'ai changé d'avis. J'ai voulu ne plus m'embarrasser de la reproduction fidèle. J'ai voulu rendre visible cette question au travail. Le carré rose ne cache pas, il révèle le processus. C'est ce qu'il y a dans le visible.
En quelques mots
“J’ouvre les lieux. Je dessine sec. Je sors le charbon de la mine. Je crée de nouvelles traces, plus dures, plus claires. Je trempe dans la terre. Creuse des arbres de Mars. Je marche, change la route, craie sur naphte, brise la cendre, ouvre la poudre, lie des histoires blanches. je déterre une ville du regard. Passe à travers, la transfère des mètres plus tard. Je bouge à la place de ce qui ne bouge pas. Je déplace des paysages. Je tire les questions comme les caravanes. Je regarde les rétros comme des vidéos, en différé, je m’éloigne dans le cadre et me vois revenir. Comme si je me précédais.”