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élodie Dornand OH 

Biographie

Élodie Dornand Oh sort diplômée de l’École nationale Supérieure des beaux-arts de Paris en 2003 avant de s’envoler pour Séoul l’année suivante. Son immersion en Corée, motivée par le désir de se sentir “lost in translation”, marque le début d’une exploration multidimensionnelle. Son travail se caractérise par la diversité des supports et des médiums (installations, dessins, graffiti-paper, sound-mapping, performances…) qui se répondent les uns aux autres et qu’elle met en scène en fonction des espaces d’exposition.

Depuis 2005, elle expose régulièrement à Séoul, abordant des thématiques variées telles que les liens cognitifs, la mémoire, les rites, l’introspection par le jeu et les enjeux environnementaux. Elodie Dornand Oh crée des situations dans lesquelles elle propose de nouveaux rituels d’exposition interrogeant nos manières de regarder et percevoir les objets. Chaque projet représente pour elle une opportunité d’expérimentation et de recherche constante de nouvelles techniques et formes d'expression. Cette énergie et cette curiosité, au service d’une sensibilité esthétique mais aussi d’une ouverture sur le champ social, sont à la source de son travail. C’est pourquoi ces œuvres nous touchent profondément et durablement.
                                                                                                                         

Boram Han

Interview

Pouvez-vous nous dire à quoi cette notion d'In-visible vous renvoie dans l'art, et qu'est-ce qui, dans votre œuvre, pourrait relever de cette thématique ?

L’art, et en particulier l’art pictural, a toujours eu pour fonction de donner à voir : voir ce qui est mal vu, voir ce qui est là mais n’est pas vu, voir ce qui n’est pas visible, voir autrement, d’un autre point de vue, etc. L’histoire de l’art, aussi bien occidental qu’oriental, est une longue déclinaison de ce thème, cette méta-question de la représentation et de l’expression. 

Je vous réponds en lien avec les œuvres que vous avez choisies. Instant-Mirror : cela me replonge dans cette expo qui interrogeait la société coréenne et son rapport à l’image, une constante quête de l’image. Le selfie a émergé en Corée à cette époque bien avant que le phénomène ne devienne mondial !
 

Alors que nos sociétés traditionnelles étaient axées sur le temps et l'espace, nos sociétés post-modernes s'articulent autour de deux questions de temps et d'images. La dimension de l'espace a été déclassée par l'omniprésence désormais possible grâce aux nouveaux appareils numériques. Surtout, les images règnent partout dans le monde, toujours en transit entre un câble, un satellite, un téléphone portable, un téléviseur, un écran d'ordinateur, une application… C’est la nouvelle dimension qui a remplacé l'espace.
 

Dans les trois œuvres que vous avez choisies faisant partie du dispositif de l’exposition Instant-Mirror j’interroge les visiteurs sur le rapport qu’ils entretiennent avec leur image : où suis-je ? Je suis ici et nulle part. Je suis perdu. Les miroirs analogiques ont toujours été utilisés pour confirmer l'image de soi. Ils étaient un moyen de vérifier son identité et sa présence. Qu'en est-il des nouveaux miroirs sous la forme de milliers de caméras et d'écrans avec lesquels nous vivons ? Que suis-je dans ces nouveaux rétroviseurs ? On m'a dit que je peux mieux gérer mon image dans notre nouvelle ère numérique. Mais n'est-il pas vrai que, dans notre quête de vie plus rapide, je suis plus contrôlé par les images que je les contrôle ? Un site comme MySpace n’est-il pas une déclaration ironique sur le fait que, dans la blogosphère numérique, on perd sa relation avec l'espace, lequel est remplacé par des images narcissiques ?
 

Instant-Mirror-Photomaton est une façon frondeuse de se retrouver, non pas derrière l’écran, mais derrière le miroir, ou plutôt d’être observé à son insu grâce à un miroir sans tain — je suis visible, mais l’autre est invisible observé derrière ce miroir, je ne le sais pas mais il me regarde et m’observe et par le biais d’un panneau défilant me le fait savoir.

Jusqu’il y a peu, le regard était le fondement même de l’humain. C’est le regard qui fonde en nous, métaphysiquement et existentiellement, notre humanité par la dialectique qu’il ouvre avec l’autre. C’est encore et toujours le regard qui permet chez l’homme le langage — l’être humain est la seule créature capable d’un contact oculaire prolongé avec son semblable. Mais désormais, ce regard analogique est peu à peu remplacé par le contact avec un écran qui nous voit sans nous regarder, exactement comme un miroir, un regard qui croit se jeter vers l’autre et s'écraser sur soi. On y cherche une trace de l’autre, et on y découvre sa seule présence, on croit s’y retrouver, et on n’arrive même pas à s’y voir... Illusion complexe donc, puisque sous le couvert d’un tout-communicationnel, la communication humaine n’est plus qu’erratique, amputée, ambiguë.
 

Message boxes incite à réfléchir sur la relation que nous entretenons avec notre image face à ces Miroirs instantanés qui parlent de nous, mais pas de moi, jamais de moi, ni de toi, mais toujours de nous, de ces autres indéfinis, vagues, qui nous entourent et nous façonnent. Miroirs – écrans – instants, sont les facettes d’un labyrinthe où l’on se perd avec délice et angoisse. L’écran a la structure et l’apparence du miroir. Éteint, on s’y voit (un peu) ; allumé, il projette des images de nous, de nos semblables. Il semble nous rapprocher alors qu’il ne cesse de dénier la distance physique qui nous sépare en réalité. Dans ces écrans-miroirs auxquels nous semblons demander avec la même anxiété que la marâtre de Blanche-neige, « ô miroir, miroir, qui est le plus branché ? », nous cherchons nuitamment à nous trouver. Nous y quêtons un sens à nos vies, mais aussi une distraction à cette immense « fatigue d’être soi » qui caractérise notre modernité (si lourde). Nous sommes donc dans une situation de demande ambiguë face à ces écrans : entre le besoin de divertissement et le désir d’accomplissement. Et que pouvons-nous vraiment trouver devant ces écrans qui incessamment diffusent la reproduction à l’infini du même dans toute sa variété trompeuse ?

Élodie Dornand Oh, Instant-Mirror, Installation, 2009

En quelques mots

Instant Mirrors

Alors que nos sociétés traditionnelles se concentraient sur le temps et l’espace, tout dans nos sociétés post modernes tourne autour des deux questions du temps et des images. La dimension spatiale a été dévalorisée par l’ubiquité désormais possible grâce aux nouveaux dispositifs numériques. L’image règne surtout partout dans le monde, toujours en transit entre un câble, un satellite, un téléphone portable, un téléviseur, un écran d’ordinateur, une application Facebook, etc. L’image est la nouvelle dimension qui remplace l’espace. Dans ce monde plus plat mais globalisé, où suis-je ? Je suis ici et n’importe où. Je suis vraiment perdu. Les miroirs analogiques ont toujours été utilisés pour confirmer les images de soi. C’était un moyen de vérifier son identité et sa présence. Qu’en est-il des nouveaux miroirs que constituent les milliers de caméras et d’écrans avec lesquels nous vivons ? Que suis-je dans ces nouveaux miroirs ? On m’a dit que je pouvais mieux gérer mon image (et les images en général) dans notre nouvelle ère numérique. Mais n’est-ce pas que, dans notre quête d’une vie plus rapide, je suis plus contrôlé par les images que par elles-mêmes ? Un site comme MySpace n’est-il pas une ironie sur le fait que, dans la blogosphère numérique, j’ai perdu mon rapport à l’espace, remplacé par des images narcissiques ?
Élodie Dornand Oh reprend ce questionnement à travers ses installations artistiques et dessins : Instant-miroir. Elle pose dans cette exposition la question des « miroirs » à l’ère de l’instantanéité narcissique... Plutôt que d’apporter des réponses et de simples critiques, elle demande aux visiteurs de participer et de se poser des questions sur notre rapport ambigu aux images (de soi). Miroirs de l’instant : des choses qui passent et s’en vont, comme nos communications éphémères, temporaires, lointaines et volatiles. Comme nos images : trop d’images saturantes, nauséabondes de nous, desautres, de notre monde.

Benjamin Joinau

Où sommes-nous ? Où nous voyons-nous ?
De quel côté du miroir ?

Le travail d’Élodie Dornand Oh se caractérise par la diversité des supports et des médiums : installations, dessins, graffiti-paper, sound-mapping, performances… Tous se répondent au sein de mises en scènes dans les espaces d’exposition. Depuis 2005, elle expose régulièrement à Séoul, abordant des thématiques variées telles que les liens cognitifs, la mémoire, les rites, l’introspection par le jeu et les enjeux environnementaux. Elle crée des situations dans lesquelles elle propose de nouveaux rituels d’exposition interrogeant nos manières de regarder et percevoir les objets. Chaque projet représente pour elle une opportunité d’expérimentation et de recherche constante de nouvelles techniques et formes d'expression. Cette énergie et cette curiosité, au service d’une sensibilité esthétique, mais aussi d’une ouverture sur le champ social, sont à la source de son travail. C’est pourquoi ces œuvres nous touchent profondément, voire durablement.
 

Instant-mirror est une installation présentant un photomaton invitant les visiteurs à y pénétrer pour observer des portraits d’eux renvoyés sous plusieurs angles (jeu de miroir présent à l'intérieur). Tout est fait pour encourager les visiteurs à prendre la pose, comme dans un vrai photomaton : les flashs que la cabine produit, ou encore les commentaires préenregistrés que le visiteur entendra. L'autre côté de ce photomaton est pourtant composé d’une salle dans laquelle un spectateur pourrait observer tous les faits et gestes réalisés de l’autre côté du miroir. Instant mirror évoque la relation que nous entretenons avec notre image, la manière dont on se voit, dont on voit les autres, dont on se montre, etc. L'œuvre peut aussi évoquer les réseaux sociaux et notre lien à ceux-ci, notamment par le jugement de l’image d’autrui et par l’anonymat de la personne qui commente celle-ci. Le miroir qui reflète l’instantané contraste avec le photomaton qui est censé figer notre image et nous questionne sur la temporalité de ces images.
 

Messages boxes, autre œuvre qui poursuit cette réflexion. Une installation de trois boîtes blanches accrochées au mur. Chacune d’entre elles contient des messages écrits sur des feuilles de papiers inséré dans celles-ci comme des feuilles de calendrier. Dix messages sont présents, tous en lien avec l’image/les miroirs, et dans des langues différentes (anglais, français et coréen). Ces feuilles de papier peuvent être prises par le spectateur qui pourra alors réfléchir et penser au message durant toute sa visite de l’exposition. Le visiteur prend d’abord une feuille de la boîte « questions », puis de la boîte « réponse »,  avant de lui-même répondre ou réagir en accrochant sa feuille avec les diverses réactions des autres spectateurs. Le visiteur est donc d’abord influencé par les réponses ou réactions qu’il a déjà vu avant de répondre. Ces influences des opinions et réactions d’autrui peuvent aussi rappeler les réseaux sociaux, ou les informations fusent sans aucune uniformité.
 

Curious Room est une pièce qui se concentre sur la perte de sa propre image, le questionnement de l’identité. Curious Room est une installation composée de miroirs placés dans deux salles identiques, noires, séparées par une cloison comprenant en son centre un une vitre en verre fumé (ce qui créé ainsi l’illusion d’un miroir encadré). Sur le mur faisant face à ce large faux miroir, il y a cinquante petits miroirs accrochés ici et là, révélant chacun en leurs centres respectifs des représentations de formes semi-humaines, semi-animales, tout un univers de rêves dessinés. Le spectateur croit alors voir l'entièreté de la composition dans ce large miroir lui faisant face, il sera cependant rapidement intrigué de ne pas y observer son propre reflet mais une salle vide ou un autre visiteur présent dans la seconde salle. Il s’agit là d'une invitation à traverser le miroir seulement en surface. La pièce peut être vue comme un espace où l'artiste explore des idées étranges ou des concepts inhabituels. Cela peut inclure des éléments surréalistes, fantastiques ou abstraits, invitant les visiteurs à s'aventurer dans un monde de pensées et de perceptions non conventionnelles. Curious Room peut symboliser la diversité et la complexité du monde. Chaque objet ou élément présent peut représenter une facette différente de la réalité, invitant à réfléchir à la multitude de perspectives et d'expériences qui composent notre monde. Cette pièce peut également être interprétée comme une représentation de l'imaginaire ou de l'inconscient de l'artiste. 
 

Curious Room peut également être une exploration de la mémoire collective ou de l'histoire. Les objets présents peuvent faire référence à des événements historiques, des traditions culturelles ou des récits personnels, invitant les spectateurs à réfléchir à l'importance de la mémoire et de l'héritage. Enfin, le titre peut simplement être une invitation à l'interprétation personnelle. 
 

En résumé, Curious Room peut être interprété de différentes manières, mais il évoque généralement des notions d'étrangeté, de diversité et d'exploration de l'imaginaire ou de l'inconscient.

Élodie Dornand Oh, Instant-Mirror, Message Boxes, Installation, 2009

Élodie Dornand Oh, Instant-Mirror, Curios Room, Installation, 2009

 Artistes

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